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Les personnages (1) : le groupe des Corbeaux

  • carolinewei
  • 5 déc. 2024
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 23 janv.

En province subsistent encore, tapis sous la société visible et les attributs de son pouvoir, des modes archaïques de domination, héritiers d’un passé révolu, qui règnent par l’influence au profit de l’intérêt de certains et de leurs inféodés.


Le « groupe des Corbeaux »

C’est ainsi qu’ils s’appellent entre eux. Ces hommes unis par la chasse le sont aussi par d’autres liens, sans ce que soit bien perçu les ramifications de leurs influences. Experts à dénouer les nœuds qu’ils ont noué, ils organisent leur toile, créant les obligations de réciprocité et les dépendances des uns et des autres.


Simon

Patron de la Grande Ferme, vaste propriétaire terrien, il ne s’est pas défait de l’ordre ancien. Homme d’influence, physiquement, socialement et financièrement puissant, il est le « parrain » du Groupe des Corbeaux, donne du travail, arbitre, règne plus que le maire, grâce à quoi tout se règle comme ça, sans gendarmes ni garde-chasse, sans procès, sur un signe de tête parfois, par un mot ou même sans rien dire, un canon sur le zinc scellant un accord, plus surement qu’un écrit, la parole suffit, ce qui était dû est dû, ce qui est dit est dit.


Seigneur local, célibataire malin et rude, aux sentiments durs, il ne se laisse guider par personne, il a trop vu chez les autres le pouvoir des femmes effrontées.


La Comtesse

C’est la grande terrienne alliée de Simon, veuve, aristocrate authentique d’un monde dépassé, qui sait par ses gens tout ce qui se trame au village. Exquise quand elle veut flatter, inaccessible, sa vision du monde figée dans l’ordre ancien considère tout ce qu’elle reçoit comme un du. En affaire avec le directeur de l’usine sucrière, un bourgeois qu’elle méprise mais dont elle a besoin, elle étend sans scrupule son influence manipulatrice au seul service des intérêts de la terre.


L’Eugène

Contremaitre de l’usine sucrière, « la Suquette » il gère les hommes d’une main de fer. Une peau de vache respectée du patron pour son efficacité. Très fier, sec, teigneux, aux sentiments durs, membre du groupe des Corbeaux, il a l’intelligence de sa fonction et sert la direction dans ses arcanes en y trouvant son compte.


Le Notaire

Il est celui des riches, des grandes exploitations rurales et vit à la ville dans une demeure dont le parc donne sur le fleuve.

Le visage replet, d’une belle corpulence qui englobe la poitrine, son port altier lui confère un profil patricien. D’un air de deux airs, le regard bonhomme mais dominant, à sa façon de relever la tête vers l’arrière, évoque le mâle alpha du 19è siècle renforcé par la façon dont certains se portent vers lui dans une allégeance qui transparait sous le tutoiement. La bouche lippue trahit tous les plaisirs de la chair et la chère. Capable de tout, il est au Groupe des Corbeaux le théoricien d’un pouvoir qui ne dit son nom.


Le Hotu et la Souche

Chômeurs invétérés à la nombreuse marmaille, hommes de peu, hommes de main, braconniers, pêcheurs et chasseurs sans permis qui, grâce aux allocations, les trafics de gibier, les services rendus,

le travail de leurs femmes aux champs et la surveillance des bois et de la rivière pour la Grande Ferme et le Château vivent en seigneurs, intouchables et goguenards.


Extraits :


… Ses membres délibéraient d’affaires dont ils se s’étaient arrogé le droit, avaient leurs propres lois et s'ils avaient la conscience chargée, se mentir entre eux eut été inconcevable. Ils formaient le centre d'un réseau connu d’eux seuls et nul ne pouvait supputer leur engeance.

Les réunions à la maison volée étaient dédiées aux entrelacs qui assuraient l’intérêt et la pérennité des situations de ceux qui comptent, aux sanctions éventuelles et au bon ordre social du village et de ses environs. Aucune note n’était jamais prise. »…



… Le notaire demanda la parole. Il faisait un peu figure de théoricien du parti.


- Ce que tu dis, toi le contremaître, est juste. Il va s’agir d’un jugement préventif et permettez-moi de vous en exposer la teneur. Denise et sa fille sont toutes les deux innocentes et exposées à un risque grave, causé par le Marcel qui s’est déjà rendu coupable d’actes malveillants envers elles. La probabilité de ce risque est élevée. S’il advient, il ne pourra être réparé.


- Que nous agissions ou que nous n’agissions pas, dans les deux cas, il y aura des conséquences, indiqua Simon. Nous devons donc décider celles dont nous ne voulons pas.


- Ou bien, continua le notaire, garantir Denise et sa fille contre un risque très probable aux effets irréparables, sachant que cela nous oblige à sanctionner Marcel pour une action qu’il n’a pas encore commise, mais qu’il a toutes les probabilités de commettre…


Ou bien en ne faisant rien, accepter de les condamner à être exposées à ce risque irréparable, parce que nous n’aurons pas sanctionné Marcel d’une action coupable, qu’il n’a pas encore commise, mais qui a toutes les chances d’advenir.


- Comme vous le voyez, reprit Simon, il y a toujours un risque d’erreur. La vraie question est de savoir qui doit endosser ce risque, le coupable présumé ou la victime à l’innocence avérée ?


- J’ajouterai, dit le notaire, que si nous n’agissons pas et qu’il arrive malheur à Denise, l’erreur sera visible et nous en serons moralement responsables. Mais si nous agissons préventivement, l’erreur serait que si nous n’avions pas condamné Marcel, il n’aurait pas commis la faute pour laquelle nous l’avons sanctionné, mais comme on ne le saura jamais, il n’y aura donc jamais d’erreur…



 
 
 

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